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15
mars
Face au digital, le papier a t-il perdu la bataille ?
Le papier est-il en voie de disparition et l’ère numérique en passe de gagner la bataille ? Ne trouvera t-on bientôt plus de journaux, de livres physiques, mais seulement des lignes de code et des mots alignés sur écrans ? Rien n’est moins sûr car Gutenberg n’a pas dit son dernier mot.
Temps de lecture : 3 minutes
© Création et réalisation par Omedia du livre patrimonial Madame Avant-Garde pour Helena Rubinstein
La télévision n’a pas tué la radio, Internet n’a pas eu raison de la télé, le digital aura t-il la peau du papier ? Rien n’est moins sûr. Chaque nouveau support réinvente les façons de communiquer, les enrichit et déplace les frontières. La voie d’une cohabitation forcée mais apaisée peut s’envisager, comme chacun d’entre nous mêle à loisir, pour s’informer, presse écrite, radio, internet et télévision. Il s’agit plutôt de voir comment chaque canal s’est spécialisé ; qui de la voix, de l’image, de l’audio ou de la vidéo, de la réalité immersive ou des interactions en direct tire son épingle du jeu face à tel ou tel public, en fonction du message véhiculé, de la catégorie de consommateur visé, de la résonance souhaitée.
Alors qu’on prédisait un avenir assombri pour le livre, l’ère post-covid semble traduire le contraire : les ventes de livres ont fortement augmenté, et pas seulement durant le premier confinement. La tendance amorcée semble se pérenniser : en 2021, les ventes de livres ont bondi de 19% en France par rapport à 2019 ; un engouement porté par les mangas, la BD et renchéri par le pass culture jeune. Mais qu’importe la façon, la réalité est là : on lit toujours, on lit encore, et sur des pages que l’on tourne à la main. Une croissance constituée à 80% de supports papier, le reste pour les livres numériques qui ne connaissent toujours pas la position dominante attendue (avec même un léger recul des ventes en 2021).
« En 2021, les ventes de livres ont bondi de 19% en France par rapport à 2019. »
Des tables de la Loi aux tablettes portables, l’histoire est-elle un éternel recommencement ? Quelle place encore pour le livre, le magazine, la revue et quel rapport sensitif accordons-nous aux supports qui nous informent et nous instruisent ? Le tactile sans chaleur et sans odeur, canal froid et imperméable au temps ? Le papier forcément périssable, dépassé, caduque ?
C’est une question d’usage. Au consommable « jetable », on préfère le numérique, la liseuse, le téléchargement compulsif, du moins illimité. Mais pour ce qui est de conserver, lire et relire, de transmettre, de montrer, et de durer, le papier demeure.
CE QUI S’IMPRIME DEMEURE…
On assiste en effet au renouveau des formats papier, longs, illustrés. Mais dans une catégorie plus « premium ». Les magazines papier des grandes marques convoquent ainsi les meilleurs illustrateurs et journalistes, des plumes aguerries et des photographes cotés. Que ce soit dans l’art de vivre ou l’industrie, on s’applique à formuler de beaux magazines, éditorialisés, qui ont l’avantage de perdurer et de pouvoir se garder près de soi.
Relégué au luxe ou assimilé, le papier monte en gamme. « Les magazines d’entreprise s’habillent de belles couvertures, et font appel, pour leur réalisation, aux directeurs artistiques les plus pointus, aux plumes les plus aiguisées » précise Jérôme Hue de l’agence Omedia Paris, spécialisée dans le luxe.
Les magazines internes prennent de l’épaisseur, et les marques de luxe notamment soignent leur présentation, n’hésitant pas à investir une large partie de leur budget communication dans ce média traditionnel. Qui plus est en étant de plus en plus attentives à l’impact environnemental de leurs publications. « Pour notre part, explique Jérôme Hue d’Omedia Paris, nous utilisons exclusivement du papier recyclé pour toutes nos publications ».
Les sempiternelles cartes de vœux prennent aussi le pouls de cette résistance : les Maisons les plus chic reviennent au papier (ou ne l’abandonnent pas), parant leurs cartes de vœux d’un design moderne, recherché, où couleur, esthétique, conscience environnementale, forme et matière renvoient à l’ADN de la marque. Plus intime, moins informelle qu’un lien envoyé par mail, la « vraie » carte de vœux envoyée à domicile dans une belle enveloppe timbrée, si possible calligraphiée à la main, aux quelques mots manuscrits ou du moins signés de l’expéditeur, prend du galon et gagne ses lettres de noblesse. Noyé parmi la cohorte de mails quotidiens, le mail de vœux risque fort de connaître le même destin que le Titanic : un naufrage. Parfois même ne sera t-il seulement pas lu.
LE PAPIER « IMPRIME » LA MARQUE !
En somme, le chic s’écrit, se touche, se palpe, se conserve et s’expose. Qui n’a jamais laissé traîner un beau livre sur une table basse ? De même on gardera un beau magazine, et la marque restera ainsi longtemps matérialisée, ancrée dans les esprits et le mobilier de son destinataire. Car l’un des (nombreux) atouts du papier réside aussi dans son foisonnant champ de réalisations : découpe, gaufrage, dorure, sérigraphie, effets textures, tout ou presque est possible avec le papier, qui permet de différencier chaque marque et de matérialiser son identité par des marqueurs esthétiques forts.
Les marques se racontent, ce n’est pas un fait nouveau, et désormais s’exposent, donnent à voir et font voir pour se faire voir. Au grand public mais aussi aux yeux de leurs clients, et de leurs salariés et collaborateurs. Leurs destins s’écrivent, et quoi de mieux qu’un beau livre pour l’incarner ? La conception d’ouvrages « corporate » a le vent en poupe, et chaque marque, qu’elle soit de luxe ou plus grand public, aime exposer son parcours, sa vision, ses valeurs, dans un livre de marque ou « Brand Book ». Parfois de façon directe, parfois plus subtilement, par le jeu d’échos avec des témoignages de personnalités ou le récit de vies qui ont constitué le patrimoine de la société.
LE DIGITAL VALORISE LE PAPIER
Sans tomber dans une vision manichéenne, il faut soulever aussi l’apport du digital et du numérique, dans la photographie notamment, l’impression également. Le papier n’a jamais été autant lisible finalement et embelli que depuis l’ère numérique. En terme d’outil de communication, il faut reconnaître la puissance du digital, via les campagnes de e-mailings par exemple, et les réseaux sociaux bien sûr, caisse de résonance des marques en continu.
Complémentaires plutôt que concurrents, digital et papier se soutiennent mutuellement. Tout consiste dans l’usage qu’on en fait, le plus intelligent qui soit. Alors, l’intelligence artificielle aura t-elle, à son tour, un jour, raison du digital ?